- 11 oct. 2020, 14:50
#1321547
Coucou Agathe,
Tu le sais peut-être déjà mais je le redis ici, cela peut en aider d'autres :
J'ai été diagnostiquée en 2017. Je vais mal depuis très longtemps, mais là, en septembre 2017, j'étais au bout du rouleau, j'allais bosser en mode automatique mais le soir j'étais incapable de décider ce que j'allais manger, faire mes courses, j'écrivais tous les jours dans mon journal que je voulais disparaître, je n'étais même plus capable de lire une seule ligne (alors que c'est toute ma vie). Tout était extrêmement noir. J'ai eu un premier traitement AD pendant 6 mois, qui a été très efficace sur les symptômes cognitifs, j'ai pu de nouveau travailler, lire, et comprendre quand on me parlait assez rapidement, je n'avais plus envie de mourir. J'étais sous xanax en parallèle. Les premiers mois, j'ai beaucoup dormi, j'ai dû arrêter les cours, j'étais tout le temps dans les vapes (on m'a diagnostiqué en parallèle un "épuisement estudiantin", joli mot pour dire que je cumulais deux jobs en plus des études et que ça m'a crevée). Pour les effets secondaires : j'ai pris quelques kilos (je suis passée de 47 à 53, mais j'avais perdu à cause de la dépression), je faisais énormément de cauchemars, de rêves, j'étais au ralenti, ma libido était pas terrible terrible. Ma psychiatre d'alors ne me plaisait pas du tout, j'ai arrêté dès que j'ai pu.
Comme je n'étais pas suivie correctement par une vraie thérapie psy, j'ai rechuté 6 mois plus tard : pleurs quotidiens, humeur sombre, tout me paraissait désespéré, et je ne sais pas comment expliquer, cette douleur d'être, d'exister, j'avais mal tout le temps, juste mal d'être là. Nouvelle psychiatre et nouveau traitement : xeroquel, un stabilisateur d'humeur, administré à dose minimale. Les effets secondaires ont été immédiats : tachycardie, bouche sèche, impossible de m'endormir le soir, insomnies, crises d'angoisse. Ça a duré 10 jours, après ça tout s'est stabilisé, et d'un seul coup le monde est apparu plus clair, plus calme. Bon entre temps j'ai traversé une rupture vraiment moche, mais après quelques temps, et mise à part la souffrance normale après une rupture, j'ai commencé à aller mieux, à sourire, à être optimiste, à vouloir rencontrer quelqu'un, à aimer vivre tout simplement. Je n'avais plus de problèmes d'endormissement, avec ce médicament je n'ai pas pris de poids, je rêve toujours énormément, j'ai la bouche sèche, mais ce n'est rien comparé au seroplex (l'antidépresseur que j'avais en 2017). Un an plus tard, en octobre 2019 j'ai fait une rechute (j'étais toujours sous stabilisateur), et on a augmenté ma dose. Très vite, c'est comme si on avait retiré le voile noir à travers lequel je voyais la vie. Je me suis sentie soulagée, comme la première fois. Depuis, c'est nickel. Bien sûr il y a des moments de moins bien, mais j'arrive globalement à y faire face ; je traverse de vrais moments de joie, de gaité. Accessoirement j'ai commencé en même temps que ce nouveau médicament une thérapie cognitive et comportementale, associée avec de l'hypnose, et maintenant de l'EMDR.
J'ai commencé une thérapie en 2015, suite à une rupture pas très cool et pendant plus de deux ans, malgré les suggestions de ma psychologue, j'ai refusé catégoriquement les médicaments. J'ai refusé, refusé, jusqu'au jour où je me suis retrouvée à fixer la cour de mon immeuble depuis le 4e étage, dans un état lamentable. Bien sûr, les médicaments ne résolvent pas tout, et la thérapie médicamenteuse doit être accompagnée d'une psychothérapie de fond. D'ailleurs, on parle de "béquille médicamenteuse". Les cachets, c'est la canne ou les béquilles qui t'aident à te déplacer ; la thérapie c'est la kinésithérapie grâce à laquelle tu réapprends à marcher seule, sans béquille. C'est juste une aide, ça ne te guérit pas. Lors de ma dernière rechute, je ne voulais pas changer de traitement ou augmenter ma dose, et ma psychiatre m'a expliqué qu'en l'état, ma psychologue passait nos séances à gérer ma dépression plutôt qu'à m'aider à avancer. Ça m'a convaincue illico.
Les effets secondaires dépendent des médicaments et des gens, mais ils s'estompent au bout de quelques semaines. S'ils persistent il faut changer le traitement, tout simplement. Par exemple mon traitement actuel est connu pour provoquer du cholestérol chez de très nombreux patients, et ce n'est pas mon cas.
Aujourd'hui je suis toujours sous stabilisateur d'humeur et je vais globalement bien. Je me débats souvent avec la douleur de vivre, l'impression que je serai seule pour toujours, que je ne vaux rien, etc. Mais ce n'est rien comparé au désespoir absolu que j'ai pu connaître, et je suis une nouvelle thérapie EMDR et TCC, et j'ai l'espoir farouche que j'irai mieux un jour en travaillant. Je n'ai pas vu de psychiatre depuis le mois de février, à cause du confinement d'une part, et des délais dans ma nouvelle ville d'autre part, je continue mon traitement, je m'endors tout de suite le soir et je n'ai plus envie de mourir, pour moi c'est réussi. Je connais de vrais moments de joie, de bonheur. Après je vis des changements d'humeur très brusques, j'ai un syndrome prémenstruel très violent pour le mental, et j'ai plein d'autres soucis niveau santé mentale. Ce ne sont pas les cachets qui m'aideront à trouver en moi l'amour qui me manque cruellement, mais être sous médicaments me permet d'avoir une vie normale, et de trouver les ressources et la force de travailler tout le reste avec ma psy. J'ai fait la paix avec l'idée que peut-être, je les aurai à vie.
Mon conseil serait d'aller consulter un·e psychiatre pour poser tes questions, rien ne t'oblige à donner suite et personne ne va t'attacher pour te fourrer des cachetons au fond du gosier. Et de choisir de préférence un·e praticien·ne plutôt jeune, formé·e aux thérapies TCC, pas trop dans le délire psychanalyse, et pas trop dans le délire médicaments +++, qui pourra te parler des nouvelles thérapies (mon traitement est un truc assez récent, traiter l'anxio-dépression avec un stabilisateur d'humeur pas prévu pour ça). Le but c'est de pouvoir éventuellement se passer des médicaments, donc encore une fois la psychothérapie, de préférence TCC, est obligatoire.
Dans tous les cas le fait que tu te poses des questions, que tu nous les poses, est un premier pas. C'est très positif. Qu'en penses-tu ?