Anna79 a écrit :... Si je suis rentrée hier c'est que je ne voulais pas que mes collègues, mes patients me voient pleurer et je n'arrivais pas à me resaisir. Et comme tu l'as dit je n'étais pas dans le lâcher prise, j'espérais toujours qu'il me revienne.
!
Je comprends Anna, je suggérais que peut-être au lieu de "rentrer", tu aurais pu "essayer" de partir pleurer une heure ou deux et revenir?
je suis prof, j'ai eu des moments personnels...hyper durs, où me lever, était un...comment dire...supplice. et où je pleurais du matin au soir MAIS en classe, la classe, t'oblige à poser ça, à tes pieds, à l'entrée de la salle de classe. Et quoiqu'on en dise, ça te fait un repos d'une heure. Pendant une heure tu es obligée de penser à autre chose, tu as d'autres personnes que toi, dont tu dois prendre soin. D'autres personnes qui COMPTENT sur toi, qui ont BESOIN de toi, qui ont eux aussi, parfois, des vies épouvantables et qui, tout comme toi, laissent cette vie, une heure durant, pour la classe.
Et si tu ne peux pas recevoir un seul patient de l'après-midi Anna , si tu es trop mal pour ça (et c'est tout à fait possible!!! le frère d'un élève à moi s'est suicidé cette année, sa maman (qui est aussi une collègue) a été incapable de revenir en cours. Depuis Novembre) et bien tu dois alors te ruer chez ton médecin, voire, te faire hospitaliser...je le dis sans ironie aucune je précise! c'est trop grave! sinon, si tu peux continuer à "vivre" plus ou moins normalement avec "juste" des moments d'angoisse terrible, et bien oui, je crois réellement que le mieux est de rester dans la société, dans le réel, dans ton travail. Tu ne seras pas au top, mais ça sera toujours ça de pris sur l'ennemi (= le chagrin), sans parler du bénéfice REEL de savoir qu'on a tenu bon, qu'on a aidé les gens qui sont venus pour nous. Même peu. Même mal. C'est très bon pour l'estime de soi et ça permet aussi de se sortir de notre propre nombril.
Et de savoir la manière dont je le prends lui a permis de comprendre que peut être elle j'appréhendais pas correctement avec ses patients.
Justement Anna, c'est bien ça qui me faisais "tiquer". Je ne crois pas que ta fonction d'amie soit de faire comprendre quoique ce soit à ton amie dans son travail. Te rends-tu compte ce à quoi cela te réduit TOI? un sujet d'étude? un moyen d'amélioration? attention je ne dis pas DU TOUT que c'est comme ça que TE perçoit TON amie!!! je suis sûre que non !! ce qui me fait tiquer c'est la façon dont TOI tu te perçois par rapport à ton amie !
si tu veux pleurer dans le giron de ton amie, fais-le ! mais ne perçois pas ça comme un moyen de lui faire voir clair sur les relations post-rupture ou je ne sais quoi...il faut (à mon avis!!) absolument différencier l'affectif, l'émotif, le subjectif, du rationnel, de la raison et de l'explication.
Si la copine de mon fils me montre en pleurs sa copie de maths, je vais réagir en "amie" avant tout et si je m'en inspire pour mon boulot de prof, je vais bien me garder de lui dire "ah c'est cool, comme tu t'es bien plantée sur ce DS, je vais mieux savoir quoi demander à mes propres élèves!" c'est à tout le moins...très maladroit :/
Je te dirais même que ce n'est que parce que j'ai vécu cela que j'ai pu aider une de mes patientes
là c'est totalement différent: c'est toi qui utilises ta propre expérience pour t'aider dans ton propre travail. Tout comme je peux me rappeler mes propres incompréhensions d'ado pour aider mes élèves....
en fait je recoupe tout ça avec ça
j'ai été forte, courageuse, cette phrase je l'entends presque tous les jours et je dois bien dire que même si cela me fait plaisir de l'entendre je ne me trouve pas forte et courageuse
es-tu sûre que ça te fait plaisir?
moi à ta place, ça ne me ferait pas plaisir du tout :/ et à te lire, je ne suis pas si sûre au fond de toi que ça te fasse plaisir, ni tant de bien
car dans le "tu es forte, tu es courageuse" on peut aussi entendre "bon ben tout ne va pas si mal pour toi hein, allez, salut!" il peut y avoir aussi dans cette phrase un fort déni de la tristesse et du chagrin de l'autre...
personnellement, j'ai des soucis de santé,(sans gravité) et quand je suis épuisée, blanche, cadavérique il n'y a rien qui me déprime de plus que de m'entendre dire "ouah tu as bonne mine!!!" car je
sais pertinemment que je n'ai pas bonne mine et moi j'entends dans cette remarque une sorte de "surtout ne me parle de rien, ne te plains pas, je ne veux pas l'entendre" ce que je peux comprendre aussi d'ailleurs, car...les gens ne peuvent rien pour moi, pas plus qu'ils ne peuvent rien faire pour toi...
et je pense que tu peux tout à fait répondre "mais non arrêtez!! je ne suis pas forte du tout pas courageuse du tout! j'ai peur, j'ai mal, j'ai froid, je suis en colère , triste, haineuse, je veux le harceler, je veux me rouler en boule dans mon lit et plus jamais me lever, je veux piétiner par terre, foutez moi la paix avec votre force et votre courage!!!"
et je ne pense pas là que quiconque oserait te dire "ah ben c'est cool, grâce à ta peine, je comprends mieux mes patients"
Je lis dans tes écrits Anna, beaucoup d'efforts pour rester forte justement, mais tu sais, tu as le droit de ne pas être forte, tu as le droit d'être faible, en colère, tu as le droit de t'estimer trahie, abandonnée, tu as le droit de te considérer, UN MOMENT, comme une victime. Et je pense même que ce passage est un passage obligé, pour ensuite te reprendre, pour ensuite faire le tour de ce statut et avancer....
là il me semble que tu as voulu commencer tout de suite par être digne, forte et courageuse comme on dit...mais une rupture après 2 enfants et des années de couple, c'est moche, sale, incohérent et ça abîme...et c'est dicible par toi et audible par les gens qui t'aiment...
et comme je te l'ai dit, le fameux mail que tu as envoyé n'a rien de grave, tu peux lui envoyer un autre pour le traiter de sale connard, puis un troisième pour lui dire que tu ne l'oublieras jamais que tu l'aimes, puis un 4ème pour lui dire que t'aurais du le quitter plus tôt, bref, tu peux te lâcher, tu peux faire sortir , évacuer et écouter ta peine! il te doit bien ça...
bien sûr bien sûr, on est 2 dans un couple et oui bien sûr bien sûr, tu as aussi tes "torts" oui oui bon , ça ça vaut pour plus tard ça, ça, ça vaut quand on a fait le tour du chagrin, le tour de la fin, le tour des pleurs et des trépignations
pleure, trépigne, hurle
et bien sûr bien sûr si tu ne veux pas qu'il foute un de ses putains d'orteil dans l'appartement, tu le lui dis, exactement comme ça: "je ne veux pas voir un de tes putains d'orteil dans mon appartement. je ne veux pas que ce lieu qui est à MOI, dans lequel je compte JOUIR avec d'autres hommes, soit pollué de ta présence, de ta trahison, de ton absence. Je ne t'en donne pas le droit."
tu as le droit d'être fâché, en colère. Et tu as le droit de le dire, de le LUI dire, de le dire à tout le monde.
La colère face à l'injustice de la situation est une phase obligatoire du deuil. En t'écrivant, je me suis mise en colère un peu à ta place tiens
Courage belle Anna !