PARTIE 5
Je passe les jours suivants à la remercier de ce qu'elle vient de faire pour moi. Elle me dit que c'était la moindre des choses, que je lui ai apporté énormément de bienfaits dans la vie, et qu'elle voulait me rendre la pareille. L'équilibre semble atteint dans notre relation mais je remarque qu'elle travaille encore plus pour compenser les 4 jours où elle n'a rien pu faire.
Elle devient logiquement plus distante. Nous nous écrivons bien moins qu'avant. J'essaie de respecter son travail et ne veut pas la déranger. Ça me dégage beaucoup de temps libre, du temps où je discutais avec elle pendant des heures chaque jour. J'essaie de me convaincre que c'est provisoire.
Je tente de lire mais n'y parviens plus. Mes séances de muscu me sont de plus en plus pénibles aussi. Le sport m'a fortement aidé à structurer mon existence pendant ma dépression: un exutoire et une hygiène de vie qui m'ont permis de ne pas totalement sombrer quand j'étais au plus mal.
Mais là, je me sens anormalement fatigué. Je bâcle les séances sportives et me sens physiquement diminué, ce qui m'impacte psychologiquement. Y a-t-il un lien avec ma perte de libido ? Je repense aussi souvent à mon oncle mais n'ose plus trop en parler avec ma copine car elle m'avoue que le souvenir de ses attouchements la hante et qu'elle se sent de plus en plus mal. Je lui répète qu'elle peut m'en parler quand elle veut mais elle prétend qu'elle m'a déjà tout dit et que je ne peux pas l'aider. J'insiste maladroitement et elle me rembarre méchamment. Moi qui était si fier de ma communication, j'ai l'impression que je n'arrive plus à l'atteindre émotionnellement. Je me demande à quel moment on en est arrivé là.
Elle finit par me dire quand même que je vois tout en noir dernièrement, qu'elle veut bien me soutenir, mais que je ne dois pas me laisser aller. Je le prends très mal. De la part d'une personne capable de pleurer parce qu'elle va arriver en retard à un repas de travail, je trouve ça culotté.
Plus d'un an après notre rencontre, sept mois en couple, on ne se fait plus beaucoup de compliments, on se parle peu. Je me sens anormalement indifférent à toutes choses, y compris à elle. Je retourne voir mon psychiatre. Il me confirme une rechute de dépression. Me propose d'augmenter ma dose d'antidépresseurs mais me prévient que cela peut empirer mes problèmes de libido, voire les rendre permanents. Je prends peur et refuse donc.
Je repense beaucoup à ma mère et à d'autres personnes que j'ai perdues. Je deviens morbide mais n'en parle pas à mon entourage. Les gens ont horreur des dépressifs, d'après mon expérience. Ils te disent de te secouer et que tu n'as aucune raison de te plaindre. Bien sûr, ils connaissent mieux ta vie que toi-même... Alors, je fais semblant d'aller bien. Je fais deux graves erreurs à mon travail, tellement c'est la merde dans ma tête. Je suis humilié par un collaborateur qui s'en rend compte. Je me mets à pleurer seul dans ma chambre, à me traiter d'imbécile, de minable. Je dors peu et mes nuits sont traversées de cauchemars. Je n'en dis rien à ma copine car je suis convaincu que je vais l'emmerder. Je lui en veux de sa prise de distance, même si c'est dû à son satané boulot. Malgré tout, j'ai l'impression que je n'ai plus qu'elle dans la vie et qu'il faut sauver ça à tout prix.
Alors je lui dis qu'il est temps que je vienne la voir dans son pays (chose que je n'avais encore jamais faite). Je lui demande cependant d'accepter uniquement si elle en a envie. Elle accepte immédiatement, me dit même qu'elle me présentera enfin à ses parents. Sa réaction me réconforte énormément.
La rencontre avec la "belle-famille" se passe à merveille. Ils me disent que leur fille a si souvent parlé de moi qu'ils se demandaient quand ils me verraient... Le reste du séjour est pourtant catastrophique. Ma copine me fait des reproches sur tout et rien. Ma façon de manger, de m'asseoir, de me comporter. Je ne comprends pas ce que je dois faire pour lui plaire et lui demande.
- Je ne sais pas, m'avoue-t-elle.
OK, j'abdique. Elle commence vraiment à m'énerver. Elle évite d'avoir une vraie conversation, et elle évite même le contact physique, ce qui me met très mal à l'aise.
Au moment de mon départ, elle éclate une dernière fois en sanglots, et me dit que je compte beaucoup pour elle. Je me fais violence pour la prendre dans mes bras mais je n'ai même pas la force de lui demander ce qu'elle a. Je n'ai pas envie de réentendre "je sais pas".
De retour chez moi, elle se "transforme" par messages. Elle m'appelle par mon petit surnom affectueux, et redevient aimable et blagueuse. J'ai l'impression d'avoir une femme à double personnalité, qui me tire la tête quand elle me voit en vrai et qui joue à la femme attentionnée quand elle est derrière son écran. Je ne supporte pas cette hypocrisie et je veux qu'elle le comprenne.
- Je pense qu'on a besoin de faire un nouveau break. Ça ne va pas trop entre nous en ce moment.
- Comme tu veux !
- Je te laisserai reprendre contact quand tu te sentiras prête.
Elle n'a même pas essayé de discuter, une fois de plus... Nous n'échangerons plus de messages pendant un mois, notre plus long SR. Je ne chercherai pas non plus à la recontacter, me disant qu'elle a besoin de ce temps pour réfléchir et changer son comportement. Car j'ai l'impression que c'est à elle de faire des efforts, que j'ai assez donné. Moi, j'ai un petit sursaut d'énergie qui me permet de commencer à reprendre le dessus. Je me rends compte que je suis soulagé sans elle et qu'elle ne me manque pas beaucoup.
C'est alors que je reçois enfin un appel. Elle me dit en pleurant qu'elle a longuement hésité parce qu'elle tient énormément à nous, mais que c'est fini, qu'elle ne peut plus continuer ainsi. Je pleure aussi. Elle me remercie pour tout le respect que je lui ai témoigné pendant un an et demi. De ma patience, ma bienveillance... Mais elle appuie sur le fait qu'on se fait trop de mal mutuellement ces derniers temps. Elle a raison, bien sûr...
Et malgré tout, je ne m'attendais pas à une fin aussi nulle. Sans réelle discussion, sans dispute, sans tentative de seconde chance. C'est notre première véritable crise et au lieu d'essayer de se battre, elle se barre ? Je fais mine d'accepter sa décision mais je me mets en tête de la récupérer dès le lendemain. Je l'avais déjà fait avec une ex par le passé, après tout. Et je trouve rapidement les vidéos d'un certain coach nommé Antoine qui semble donner des conseils imparables. Qu'est-ce qui pourrait mal se passer ?