Bonjour,
Je suis d’accord avec tout ce qu’a écrit Selmasultane (et aussi de sandstorm d’ailleurs). Je prolongerai juste sur un point : tu te vois comme une looseuse parce qu’à 31 ans, tu te retrouves seule sans “avancer” (par quoi tu entends, j’imagine - dis-moi si je me trompe - couple, enfants en route, carrière, maison, etc.). Déjà, ça t’a été dit ici, mais ton pseudo a de quoi attrister ; je ne sais pas si c’est possible d’en changer sur ce forum, mais je te conseillerais volontiers de le faire. En effet, la manière dont nous considérons la réalité la fait exister comme telle et la conditionne en partie. Pour le dire autrement, si tu te présentes comme une looseuse, tu auras peut-être plus de mal à te sortir de ta situation que tu vis comme un échec douloureux.
Sur le fond, maintenant. Le combo couple/enfants/carrière/maison, c’est une représentation et une exigence sociale. Mais de un, contrairement à ce qu’on a tendance à penser quand on n'a pas tout ça, eh bien il y a des tas de gens qui ne l’ont pas non plus, ou qui ne l’ont que temporairement. Tu peux, comme moi, cocher toutes les cases à la trentaine, et te retrouver fracassée quelques années plus tard parce que ton compagnon de vie t’a quittée, et galérer sans fin à panser tes plaies et refaire confiance. Tu peux, comme une amie à moi, n’avoir que des relations brèves et frustrantes de 20 à 40 ans, puis trouver the one et faire un enfant et acheter un appartement dans les deux ans. Etc., les chemins de vie sont tous différents. Comme le disait l’immortel Tonton David
, “chacun sa route, chacun son chemin”. Tu souffres déjà d’une relation finalement peu satisfaisante et de sa fin, inutile d’accroître ta douleur en ployant en plus sous les injonctions sociales face auxquelles tu te sens nulle (cf la looseuse).
En effet, et de deux, on a tendance à considérer le couple, la vie amoureuse et la vie tout court comme des performances, avec des objectifs à atteindre, quasi chiffrés. Un peu comme en entreprise : il s’agit d’obtenir le plus vite et le plus économiquement possible (avec le moins de pertes possibles) le “meilleur” résultat possible. Mais c’est très stressant comme façon de voir les choses, et puis ce n’est juste pas ça, selon moi. La vie, et la vie amoureuse en particulier, à la limite, c’est une aventure, avec toute la part d’imprévisibilité que ça comporte. Ça prend naissance, ça (se) vit, ça s’invente, et comme tout ce qui est vivant, ça peut s’arrêter. Mais il n’y a pas de modèle idéal auquel se conformer, et heureusement d’ailleurs. Donc, quand je te lis, je ne vois pas - pas du tout - une looseuse, mais quelqu'un qui souffre légitimement d'un chagrin d'amour, et qui retrouvera tôt ou tard l'envie et l'énergie de tenter une nouvelle aventure.
(Petite note prosélyte : sur la question des représentations de l'action en termes de performance et d'efficacité, et en référence à un modèle idéal, j'aime beaucoup et je conseille souvent le Traité de l'action, de François Jullien. Très accessible et très éclairant sur les catégories mentales qui ordonnent notre vision du monde/de notre propre vie sans que nous en ayons toujours pleinement conscience. Et puis de la lecture théorique, parfois, ça permet de se décentrer un peu de son histoire, et ce n’est pas forcément mauvais
.)
Bon courage en tout cas!
Edit : en relisant tes messages précédents et les réponses qui t’ont été apportées (je crois qu’il y avait un peu de confusion dans ma tête entre ton histoire et celle de Jolicoeur, à qui j’ai vu d’ailleurs que tu as répondu), je pense à deux points supplémentaires. Ce que souligne Selma d’abord, à savoir le besoin de contrôle qui est souvent associé à la réussite académique. On bosse, on se donne à fond pour faire le mieux possible, et d’autant plus qu’on réussit ainsi = on est totalement dans le schéma d’action que je pointais : je me donne un but ambitieux, une représentation de ce que je dois atteindre, je mets en place les moyens pour l’atteindre, et je cherche à vaincre tous les obstacles qui pourraient m’en séparer. Je suis donc pleinement responsable de ce que j’arrive à faire ou pas (dans cette vision des choses). Ici, tu en es encore à culpabiliser d’avoir rompu et à chercher des explications au comportement de ton ex. Mais au fond, tu bloques dessus parce que, bien sûr, il a très largement entretenu cette mécanique toxique, mais aussi parce que ce comportement représente quelque chose qui t’échappe, dans tous les sens du terme. Il faut accepter que tu n’as pas de prise là-dessus, ni concrètement, ni intellectuellement : ce n’est pas de ta faute si ça a mal tourné, et il est vain de chercher à le comprendre et même à (r)établir une communication à cœur ouvert. Par ailleurs, pour rebondir sur mon histoire d’aventure. Comme me l’a dit ma psy il y a longtemps maintenant, alors que je sortais très difficilement d’une histoire brève mais tordue: parfois, on fait juste de mauvaises rencontres. Ton ex semble malheureusement en faire partie. Là encore, il n’y a rien d’autre à faire qu’à accepter et tourner la page (y compris en le bloquant!).