- 24 août 2017, 17:09
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Hello les filles ! Quel plaisir de venir converser avec vous ! Allez, un brin de causette pour ma pause clope et café (ce sera encore plus dur d'en finir avec ce rituel qu'avec mon ex, je vous assure !).
Daenyan, je ne sais quel âge tu as, mais j'apprécie ta finesse, ta sagesse. Pour en arriver là, tu dois avoir quelque expérience, j'imagine.
Oui, pas mal d'hommes et de femmes désormais, font ce cheminement bien avant d'annoncer la couleur à leur époux/épouse. Mais que veux-tu...je me sens un peu plus solidaire de ces femmes qui ont la cinquantaine bien entamée -et se retrouvent du jour au lendemain seules en prise avec un ex-mari qui les a lâchées pour une midinette- qu'avec l'ex en question qui ne se retourne pas et devient bien souvent hargneux (en plus d'être parti). Je ne dis pas que le mari en question n'a pas longuement et atrocement souffert, mais la douleur me semble quand bien même amortie par la présence de la flatteuse d'ego avec qui il se sent pousser des ailes. Je ne dis pas que dans son for intérieur, il n'a pas terriblement lutté pour son couple, mais bizarrement, la femme quittée n'y a vu que du feu, n'a reçu aucun signe d'alerte, aucune discussion mettant à plat les problèmes avec l'idée prioritaire de faire quelque chose pour sauver un couple de plusieurs décennies avec enfants. Ce que je raconte là est hyper fréquent dans ma tranche d'âge. Comme je suis un peu de la vieille école, je ne peux m'empêcher de trouver ça un peu moche, un peu triste. L'espèce de relativisation consistant à écarter tout espèce de jugement moral, me gène. Je ne parle pas de morale étriquée où l'on doit se conformer à un schéma social acceptable, non, j'évoque simplement le fait qu'humainement on ne devrait pas traiter une compagne de joies et de galères avec la légèreté d'un adolescent pré-pubère qui envoie bouler ses parents au nom de la liberté.
Crois-tu qu'en 17 ans de mariage, je n'ai éprouvé ni tentation, ni envie d'envoyer mon couple sur les roses ? Bien sûr que si , tu t'en doutes. Et peut-être même que mon ex me rend un fier service avec ce divorce sur le plan de ma liberté, de mon égoïsme à convoiter mon bonheur. Mais il est une chose de renoncer à son couple (le deuil sentimental et tutti) et encore une autre de renoncer à certaines valeurs qu'on lui prêtait (la solidarité entre deux humains, l'amour jusque dans les défauts, la dimension où l'on sait que toute relation humaine mérite des efforts, des sacrifices...toutes ces choses assez ineffables qui provoquent une douleur plus grande que la perte sentimentale : c'est une sorte de cassure ontologique, de perte de foi en ce monde, un renversement de ses propres valeurs...on néglige par trop, à mon sens, cette dimension morale de la rupture en la ramenant à des considérations strictement individuelles).
Albane : oui, je crois bien que les femmes s'y mettent. De toute façon, le mariage est rarement une sinécure ; s'il ne l'est pas pour les hommes, il ne l'est pas non plus pour les femmes. L'intolérance à la frustration est désormais équitablement partagée, et comme le disait Freud dans Malaise dans la civilisation : "La douleur est dorénavant le plaisir qui ne vient pas". On ne pourra pas m'empêcher de trouver que le manque d'endurance dans ces choses-là comme dans le reste (sauf dans le sport, bizarrement) constitue une perte de qualité relationnelle, d'humanité tout simplement. Le monde est assez rude ; là-dessus, je suis assez houellebecqiuenne : on est vraiment dans l'extension du domaine de la lutte...
Enfin, rupture ou pas rupture, j'analysais déjà les choses peu ou prou de cette façon (dans les rapports sociaux, économiques). Mais contrairement à Houellebecq, je crois que le miracle humain existe toujours dans certaines fraternités, amitiés, la parentalité etc...et sans doute dans l'amour, à condition de rencontrer quelqu'un de pas trop contaminé par "l'ego-système" !
Là-dessus, pour finir de te répondre Albane, je suis assez platonicienne ; pour moi, il est un moment où l'amour véritable doit nous faire sentir un élan mystique. Je le vois chez les vieux couples parfois. Quand ceux-là sont laids et malades, qu'ils ne font presque plus l'amour mais qu'ils sont là, l'un pour l'autre, jusqu'au bout. C'est sans doute ce que cherche Durtal dans cette lumière mystique débarrassée des tours délicieux mais malicieux que joue notre chair. Oui, je pense qu'à travers l'amour, on quête une forme de transcendance, l'addition de deux forces pour en former une complètement énigmatique qui nous porte. C'est dur de se départir de cet idéal et pas forcément intéressant pour ma part ; la quête du plaisir et des petits moments agréables, en tout cas à moi ne suffit pas...je dirais même qu'à chaque fois, où plus jeune et pas mariée, je me suis retrouvée dans cette configuration de plaisir léger, ça m'angoissait. L'absence de lien spirituel est chez moi très anxiogène.
C'est pour ça que je préférerais une solitude (et quelques bons et valables amis) que des succédanés d'extase.
Et maintenant que je vois de plus en plus mon chemin se séparer de celui de mon ex, je m'aperçois, vu les changements qui se sont opérés en lui, que je ne retrouverais jamais cet aspect en sa compagnie. C'est pour cette raison que je n'insiste pas ou plus ; je ne peux renoncer à une certaine idée des échanges humains sans me perdre moi-même, sans me détester. Je ne peux pas aimer au point d'abandonner ce que je crois être bon, juste, vrai. Ce serait encore pire que la perte du couple.
En tout cas, je n'ai plus de cas de conscience avec cette rupture ; pour le reste, ma foi, j'ai mes tristesses...
Je vous fais un gros bisou !