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Lectures, sorties, films... Et toutes ces choses dignes d'intérêt...
par MlleBulle
#1147777
Ouaip. J'aime beaucoup quand tu chougnes d'ailleurs...

Alfred de Musset, Saint-Patron de JRME...

Allons allons, si je continue, je vais bientôt m'auto-accuser de troller le forum...
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par Mox Nox
#1147779
MlleBulle a écrit :Ouaip. J'aime beaucoup quand tu chougnes d'ailleurs...
Ah ? C'est pourtant pas ma tisane. Dieu sait que je suis pourtant poisseux de défauts, mais j'ai jamais été gros chougneur. Trop tête de con, trop orgueilleux, trop désespéré.
MlleBulle a écrit :Oh oui!!! Oh ouiiiiii!!!
J'aime lire ça. Ce doit être la première fois. C'est bon, ça. *souris*.

Edit : Maintenant, j'ai décidé de faire du sampling. Quand je lirai des phrases zarbi, j'en referai de petits mixes pour tuer le temps.
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par Mox Nox
#1147783
IWillSurvive a écrit :Tiens, je souhaite revenir là-dessus, parce que tu te contredis souvent à ce sujet-là, je trouve. L'occasion est donc parfaite. Des fois, tu dis que t'es fier, orgueilleux...
Orgueilleux seulement. A en crever. Mais jamais fier, non.
IWillSurvive a écrit :Et à d'autres moments, tu dis que tu n'es pas très fier, que ton ego est minime...etc.
C'est vrai dans une large mesure. Entendons-nous : on n'a jamais fini de traiter son ego, dans ce monde de barges, et il me reste encore beaucoup à faire. Mais parmi mes contemporains, je ne me trouve pas trop mal calibré sur ce plan-là (et ce plan-là seulement).
IWillSurvive a écrit :Qu'en est-il en réalité?
Ce que je viens de dire. La fierté est un sentiment vis-à-vis de soi-même. Comme l'ego. Sur cet axe, je ne suis pas très fier de moi et ne crois pas avoir un ego trop déconnant.

L'orgueil, quant à lui, est une exigence vis-à-vis de soi-même. Le plus souvent, elle est basée sur un sentiment de fierté, si bien que les gens confondent facilement les deux (l'orgueil étant le résultat, et la fierté, sa cause la plus courante). En ce qui me concerne, l'orgueil est basé sur autre chose, le souvenir de quelqu'un en particulier et que je "porte" un peu avec moi. J'ai mauvaise opinion de moi, mais ne suis pas disposé à ramper. De la même manière que je suis tout prêt à dire et à penser du mal de la France actuelle, mais ne tolèrerais jamais qu'un étranger sur mon territoire se permette la moindre réflexion, par exemple. Je prends cet exemple car il y a entre l'orgueil et la fierté le même rapport qu'entre le patriotisme et le chauvinisme. La fierté ou le chauvinisme sont des exaltations d'un sentiment (le plus souvent illusoire et acheté au prix du déni). L'orgueil et le patriotisme sont des chemins éthiques, qui ne te forcent pas à te trouver remarquable en te regardant dans la glace, ou à penser que ton pays est le plus beau du monde. Est-ce qu'avec cette illustration, tu vois mieux où je veux en venir ? Pense Cyrano de Bergerac, un colosse bouillonnant d'orgueil ... avec un ego en ruine. Sans atteindre à ses extrêmes, et sans me détester moi-même, je dissocie de la même manière mon orgueil (que j'ai souvent payé cher mais n'ai jamais regretté) de ma fierté (anecdotique et très ponctuelle).
par lilydr
#1148098
I Am!


I am—yet what I am none cares or knows;
My friends forsake me like a memory lost:
I am the self-consumer of my woes—
They rise and vanish in oblivious host,
Like shadows in love’s frenzied stifled throes
And yet I am, and live—like vapours tossed

Into the nothingness of scorn and noise,
Into the living sea of waking dreams,
Where there is neither sense of life or joys,
But the vast shipwreck of my life’s esteems;
Even the dearest that I loved the best
Are strange—nay, rather, stranger than the rest.

I long for scenes where man hath never trod
A place where woman never smiled or wept
There to abide with my Creator, God,
And sleep as I in childhood sweetly slept,
Untroubling and untroubled where I lie
The grass below—above the vaulted sky.

By John Clare
par lilydr
#1148614

L’idéal



Je ne voudrais rien des choses possibles ;
Il n’est rien à mes yeux qui mérite un désir.
Mon ciel est plus loin que les cieux visibles,
Et mon coeur est plus mort que le coeur d’un fakir.

Je ne puis aimer les femmes réelles :
L’idéal entre nous ouvre ses profondeurs.
L’abîme infini me sépare d’elles,
Et j’adore des Dieux qui ne sont pas les leurs.

Il faudrait avoir sa vierge sculptée
Comme Pygmalion, et retrouver le feu
Qu’au char du soleil ravit Prométhée :
Pour incarner son rêve, il faudrait être un Dieu.

Dans les gais printemps, la jeunesse dore
Les plus âpres sentiers de ses ardents rayons ;
Mais plus tard, qui peut rallumer encore
Le soleil éclipsé de ses illusions ?

Les rêves s’en vont avec l’espérance ;
N’importe : marchons seul, comme il convient aux forts.
Sans peur, sans regrets, montons en silence
Vers la sphère sereine et calme où sont les morts.

Grande Nuit, principe et terme des choses,
Béni soit ton sommeil où tout va s’engloutir ;
Ô Nuit ! sauve-moi des métempsycoses,
Reprends-moi dans ton sein, j’ai mal fait d’en sortir.

Louis Ménard, Rêveries d’un païen mystique
par lilydr
#1149849
Le dernier vœu


Vierge longtemps rêvée, amante, épouse, amie.
Charmant fantôme, à qui mon enfance endormie
Dut son premier réveil ;
Qui bien des fois mêlas, jeune et vive Inconnue,
À nos jeux innocents la caresse ingénue
De ton baiser vermeil ;

Qui depuis, moins folâtre et plus belle avec l'âge,
De loin me souriais dans l'onde de la plage,
Dans le nuage errant ;
Dont j'entendais la voix, de nuit, quand tout repose,
Et dont je respirais sur le sein de la rose
Le soupir odorant ;

Étoile fugitive et toujours poursuivie ;
Ange mystérieux, qui marchais dans ma vie,
Me montrant le chemin,
Et qui, d'en haut, penchant ton cou frais de rosée,
Un doigt vers l'avenir, à mon âme épuisée
Semblais dire : Demain ! —

Demain n'est pas venu ; je n'ose plus l'attendre.
Mais si pourtant encor, fantôme doux et tendre,
Demain pouvait venir ;
Si je pouvais atteindre ici-bas ton image,
D'un cœur rempli de toi mettre à tes pieds l'hommage,
Ô vierge, et t'obtenir !...

Ah ! ne l'espère point ;... ne crains point que je veuille
Entre tes doigts fleuris sécher la verte feuille
Du bouton que tu tiens,
Verser un souffle froid sur tes destins rapides,
Un poison dans ton miel, et dans tes jours limpides
L'amertume des miens.

Un mal longtemps souffert me consume et me tue ;
Le chêne, dont toujours l'enfance fut battue
Par d'affreux ouragans,
Le tronc nu, les rameaux tout noircis, n'est pas digne
D'enlacer en ses bras et d'épouser la vigne
Aux festons élégants.

Non ; c'en est fait, jamais ! ni son regard timide,
Où de l'astre d'amour tremble un rayon humide,
Ni son chaste entretien,
Propos doux comme une onde, ardents comme une flamme,
Serments, soupirs, baisers, son beau corps, sa belle âme,
Non, rien, je ne veux rien !

Rien, excepté l'aimer, l'adorer en silence ;
Le soir, quand le zéphir plus mollement balance
Les rameaux dans les bois,
Suivre de loin ses pas sur l'herbe défleurie,
Épier les détours où fuit sa rêverie,
L'entrevoir quelquefois ;

Et puis la saluer, lui sourire au passage,
Et, par elle chargé d'un frivole message,
Obéir en volant ;
Dans un mouchoir perdu retrouver son haleine,
Baiser son gant si fin ou l'amoureuse laine
Qui toucha son cou blanc ;

Mais surtout, cher objet d'une plainte éternelle,
Autour de toi veiller, te couvrir de mon aile,
Prier pour ton bonheur,
Comme, auprès du berceau d'une fille chérie,
Une veuve à genoux veille dans l'ombre et prie
La mère du Seigneur !

Ce sont là tous mes vœux, et j'en fais un encore :
Qu'un jeune homme, à l'œil noir, dont le front se décore
D'une mâle beauté ;
Qui rougit en parlant ; au cœur noble et fidèle ;
Le même que souvent j'ai vu s'asseoir près d'elle
Et lire à son côté ;

Qu'un soir il la rencontre au détour d'une allée,
Surprise, et cachant mal l'émotion voilée
De son sein palpitant ;
Qu'alors un regard vienne au regard se confondre,
Écho parti d'une âme et pressé de répondre
À l'âme qui l'attend !

Aimez-vous, couple heureux, et profitez de l'heure ;
Pour plus d'un affligé qui souffre seul et pleure
Ce soir semblera long ;
Allez ; l'ombre épaissie a voilé la charmille,
Et les sons de l'archet appellent la famille
Aux danses du salon.

Confiez vos soupirs aux forêts murmurantes,
Et, la main dans la main, avec des voix mourantes
Parlez longtemps d'amour ;
Que d'ineffables mots, mille ardeurs empressées,
Mille refus charmants gravent dans vos pensées
L'aveu du premier jour !

Et moi, qui la verrai revenir solitaire,
Passer près de sa mère, et rougir, et se taire,
Et n'oser regarder ;
Qui verrai son beau sein nager dans les délices,
Et de ses yeux brillants les humides calices
Tout prêts à déborder ;

Comme un vieillard, témoin des plaisirs d'un autre âge,
Qui sourit en pleurant et ressent moins l'outrage
De la caducité,
Me laissant, un instant, ravir à son ivresse,
J'adoucirai ma peine et noierai ma tristesse
En sa félicité.

Charles-Augustin Sainte-Beuve.(1804-1869)
Vie, poésies et pensées de Joseph Delorme (1829).
par lilydr
#1149914
La ronde du remords

Je sortais d'une orgie âcre et stupéfiante
Où ma raison avait brûlé comme un sarment ;
Plus lourde que le plomb, l'atmosphère ambiante
Faisait craquer mes os tordus d'accablement.
La fièvre secouait les cloisons de ma tempe,
Et dans le cercle blanc et rouge de la lampe
L'horreur des visions tournait cruellement.

Des parfums féminins se mêlaient dans la chambre
A l'arôme troublant des cigares fumés :
Vagues parfums d'iris, d'ylang-ylang et d'ambre,
Et de grains de sérail autrefois consumés.
Mon oreille tintait aux souvenirs d'orgie,
Et le marteau d'acier de la céphalalgie
Poussait dans mon cerveau des rêves innomés.

Ma chair était meurtrie, et mon âme si lasse,
Et par le spleen mon coeur tellement angoissé,
Que je tombai dans un fauteuil, près de la glace,
Pour me revoir comme un ami trop délaissé.
Et je me regardais de la sorte, moi-même.
La glace m'envoya mon image si blême,
Qu'on aurait dit un spectre affreux de trépassé.

Tout à coup, une voix terrible, intérieure,
Fit retentir mes nerfs, et, sortant malgré moi
De ma bouche fermée, elle emplit ma demeure
D'un cri lugubre, et j'eus peur sans savoir pourquoi.
La voix disait avec un rire métallique :
" Voici tes gueux ! voici tes morts ! voici ta clique ! "
" Maudit ! vois tes remords qui passent devant toi ! "

Dans la glace ils marchaient, les uns après les autres,
Tous les actes mauvais et louches, le front bas,
Mâchonnant dans leurs dents d'obscènes patenôtres ;
Et leur procession avançait pas à pas.
Derrière eux, les secrets calculs, les vilenies
Que tu fuis, ô mon coeur, et qu'en vain tu renies,
Comme des nains bossus agitaient de grands bras.

D'autres, parmi le bruit et parmi les huées,
Ivres, et revêtus d'habits de croque-morts,
Portaient des cercueils pleins d'illusions tuées
Dont je ne reverrai les âmes ni les corps.
Que de rêves défunts d'héroïsme ou de gloire,
Quels cadavres d'amours souillés de fange noire
Ont roulé sous les pieds des spectres du Remords !

Puis tous les nains bossus et tous les gueux immondes,
Avec la joie atroce et funèbre du Mal,
Autour de ces débris commencèrent des rondes
Que guidait invisible un orchestre infernal.
Et dans le tourbillon je ne sais qui m'entraîne
Hurrah ! c'est la Saint-Guy, la tarentelle obscène,
Et je danse avec eux le ballet bacchanal.

Sombre nuit, où je vis tant de hontes recluses
Sortir du passé pour m'offrir leur nudité ;
Où le torrent jeta par-dessus ses écluses
La fange de mon coeur et son iniquité...
Hélas ! quand le soleil, cognant à ma fenêtre,
M'éveilla, je compris que, la veille peut-être,
Le fleuve où j'avais bu n'était pas le Léthé.

Émile GOUDEAU (1849-1906)




Sanctuaire en ruines

A François Gélard

J'ai dans l'âme un vieux sanctuaire
Aux trois quarts, hélas ! ruiné,
Où, sur un pauvre autel de pierre,
Des fleurs achèvent de faner.

J'ai dans l'âme un vieux sanctuaire...
Voilà beau temps qu'on n'y vient plus,
Au matin, dire la prière
Et, le soir, tinter l'angélus.

Jadis, pareilles à des vierges,
En de claires processions,
Vous incliniez ici vos cierges,
O mes blanches illusions ;

Mais, par les routes des collines,
J'ai vu, dans l'ombre des lointains,
Fuir les dernières pèlerines ;
Et les cierges se sont éteints.

Plus de cloches, plus de grand'messe,
Plus de cantiques de pardon !
Sur le tabernacle en détresse
Verdit l'herbe de l'abandon.

J'ai dans l'âme un vieux sanctuaire...
Toutes les dalles du pavé
Portent le "ci-gît" mortuaire
Des grands destins que j'ai rêvés.

Ils sont là, couchés les mains jointes,
Comme des preux de l'ancien temps,
Appuyant leurs souliers à pointes
Aux chimères de mes vingt ans.

Et, de leurs niches descendues,
Les images que j'adorai
Vers des demeures inconnues,
L'une après l'une, ont émigré ;

Des passants ont brisé les saintes
Dont mes jeunes dévotions
Baisèrent, sur les vitres peintes,
Les doigts prolongés en rayons.

Oh! les Madones, les Maries,
D'autres encore aux noms très doux,
Roses d'antan, fleurs défleuries,
Où êtes-vous? Où êtes-vous ?

Vous fûtes mon électuaire,
Mon Graal, de myrrhe embaumé...
J'ai dans l'âme un vieux sanctuaire.
Ses dieux sont morts : il s'est fermé.

Anatole LE BRAZ (1859-1926)






Sonnet romantique


Autrefois elle était fière, la belle Ida.
De sa gorge de lune et de son teint de rose.
Ce gongoriste fou, le marquis de Monrose,
Surnommait ses cheveux les jardins d'Armida.

Mais le corbeau du temps de son bec la rida.
N'importe ! Elle sourit à sou miroir morose,
Appelant sa pâleur de morte une chlorose,
Et son coeur est plus chaud qu'une olla-podrida.

O folle, c'est en vain que tu comptes tes piastres.
Tes yeux sont des lampions et ne sont plus des astres.
Tu n'achèteras pas même un baiser de gueux.

Pourtant si ton désir frénétique se cabre,
S'il te faut à tout prix un cavalier fougueux,
Tu pourras le trouver à la danse macabre.

Jean RICHEPIN (1849-1926)





Pour la même inconstante

Elle aime, et n'aime plus, et puis elle aime encore,
La volage beauté que je sers constamment :
L'on voit ma fermeté ; l'on voit son changement ;
Et nous aurions besoin, elle et moi, d'ellébore.

Cent fois elle brûla du feu qui me dévore ;
Cent fois elle éteignit ce faible embrasement ;
Et semblable à l'Égypte en mon aveuglement,
C'est un caméléon que mon esprit adore.

Puissant maure des sens, écoute un malheureux ;
Amour, sois alchimiste, et sers-toi de tes feux
À faire que son coeur prenne une autre nature :

Comme ce coeur constant me serait un trésor,
Je ne demande point que tu fasses de l'or,
Travaille seulement à fixer ce mercure.

Georges de SCUDÉRY (1601-1667)
par lilydr
#1150251
IWillSurvive a écrit :J'adore "le dernier vœu".
J’admire la qualité d'écriture de Sainte-Beuve, il est d'une élégance rare.

Edit: Puisque tu apprécies Alfred de Musset:


A Sainte-Beuve


Ami, tu l'as bien dit : en nous, tant que nous sommes,
Il existe souvent une certaine fleur
Qui s'en va dans la vie et s'effeuille du coeur.
"Il existe, en un mot, chez les trois quarts des hommes,
Un poète mort jeune à qui l'homme survit."
Tu l'as bien dit, ami, mais tu l'as trop bien dit.

Tu ne prenais pas garde, en traçant ta pensée,
Que ta plume en faisait un vers harmonieux,
Et que tu blasphémais dans la langue des dieux.
Relis-toi, je te rends à ta Muse offensée ;
Et souviens-toi qu'en nous il existe souvent
Un poète endormi toujours jeune et vivant.

Alfred de MUSSET


À Alfred de Musset



RÉPONSE DE M. SAINTE-BEUVE


Il n’est pas mort, ami, ce poëte, en mon âme ;
Il n’est pas mort, ami, tu le dis, je le crois.
Il ne dort pas, il veille, étincelle sans flamme ;
La flamme, je l’étouffe, et je retiens ma voix.

Que dire et que chanter quand la plage est déserte,
Quand les flots des jours pleins sont déjà retirés,
Quand l’écume flétrie et partout l’algue verte
Couvrent au loin les bords au matin si sacrés ?

Que dire des soupirs que la jeunesse enfuie
Renvoie à tous instants à ce cœur non soumis ?
Que dire des banquets où s’égaya la vie,
Et des premiers plaisirs, et des premiers amis ?

L’amour vint sérieux pour moi dans son ivresse.
Sous les fleurs tu chantais, raillant ses dons jaloux.
Enfin, un jour tu crus ! moi, j’y croyais sans cesse…
Sept ans entiers, sept ans !… Alfred, y croyons-nous ?

L’une, ardente, vous prend dans sa soif, et vous jette
Comme un fruit qu’on méprise après l’avoir séché.

L’autre, tendre et croyante, un jour devient muette,
Et pleure, et dit que l’astre en son ciel s’est couché !

Le mal qu’on savait moins se révèle à toute heure,
Inhérent à la terre, irréparable et lent.
On croyait tout changer, il faut que tout demeure.
Railler, maudire alors, amer et violent,

À quoi bon ? — Trop sentir, c’est bien souvent se taire,
C’est refuser du chant l’aimable guérison,
C’est vouloir dans son cœur tout son deuil volontaire,
C’est enchaîner sa lampe aux murs de sa prison !

Mais cependant, ami, si ton luth qui me tente,
Si ta voix d’autrefois se remet à briller ;
Si ton frais souvenir dans ta course bruyante,
Ton cor de gai chasseur me revient appeler ;

Si de toi quelque accent léger, pourtant sensible,
Comme aujourd’hui m’apporte un écho du passé,
S’il revient éveiller, à ce cœur accessible,
Ce qu’il cache dans l’ombre et qu’il n’a pas laissé,

Soudain ma voix renaît, mon soupir chante encore,
Mon pleur, comme au matin, s’échappe harmonieux,
Et, tout parlant d’ennuis qu’il vaut mieux qu’on dévore,
Le désir me reprend de les conter aux cieux.
par lilydr
#1150382
Séparation


Je ne devais pas vous le dire ;
Mes pleurs, plus forts que la vertu,
Mouillant mon douloureux sourire,
Sont allés sur vos mains écrire
L'aveu brûlant que j'avais tu.

Danser, babiller, rire ensemble,
Ces jeux ne nous sont plus permis :
Vous rougissez, et moi je tremble ;
Je ne sais ce qui nous rassemble.
Mais nous ne sommes plus amis.

Disposez de nous, voici l'heure
Où je ne puis vous parler bas
Sans que l'amitié change ou meure :
Oh ! dites-moi qu'elle demeure,
Je sens qu'elle ne suffit pas.

Si le langage involontaire
De mes larmes vous a déplu,
Eh bien, suivons chacun sur terre
Notre sentier : moi, solitaire,
Vous, heureuse, au bras de l'élu.

Je voyais nos deux cœurs éclore
Comme un couple d'oiseaux chantants
Éveillés par la même aurore ;
Ils n'ont pas pris leur vol encore :
Séparons-les, il en est temps ;

Séparons-les à leur naissance,
De crainte qu'un jour à venir,
Malheureux d'une longue absence,
Ils n'aillent dans le vide immense
Se chercher sans pouvoir s'unir.

René-François Sully Prudhomme.Stances et poèmes (1865).
par lilydr
#1150407
Je ne connais pas du tout Jean-Baptiste Maunier et n'ai pas vu les Choristes, du coup en me basant uniquement sur ta photo, je dirais qu'en dehors de la coupe de cheveux, je ne leur trouve pas vraiment de points de ressemblance.

PS: Je vais poster sur un thème différent, parce qu'entre "Adieu" et "Séparation", on risque d'achever les dépressifs du forum ^^. D'ailleurs, ne vous tranchez pas les veines, buvez !

Le Vin du Solitaire


Le regard singulier d’une femme galante
Qui se glisse vers nous comme le rayon blanc
Que la lune onduleuse envoie au lac tremblant,
Quand elle y veut baigner sa beauté nonchalante ;

Le dernier sac d’écus dans les doigts d’un joueur ;
Un baiser libertin de la maigre Adeline ;
Les sons d’une musique énervante et câline,
Semblable au cri lointain de l’humaine douleur,

Tout cela ne vaut pas, ô bouteille profonde,
Les baumes pénétrants que ta panse féconde
Garde au cœur altéré du poète pieux ;

Tu lui verses l’espoir, la jeunesse et la vie,
– Et l’orgueil, ce trésor de toute gueuserie,
Qui nous rend triomphants et semblables aux Dieux !

Charles Baudelaire, Les Fleurs du Mal, 1861
par lilydr
#1150413
ENIVREZ-VOUS



Il faut être toujours ivre, tout est là ; c'est l'unique question. Pour ne pas sentir l'horrible fardeau du temps qui brise vos épaules et vous penche vers la terre, il faut vous enivrer sans trêve.
Mais de quoi? De vin, de poésie, ou de vertu à votre guise, mais enivrez-vous!
Et si quelquefois, sur les marches d'un palais, sur l'herbe verte d'un fossé, vous vous réveillez, l'ivresse déjà diminuée ou disparue, demandez au vent, à la vague, à l'étoile, à l'oiseau, à l'horloge; à tout ce qui fuit, à tout ce qui gémit, à tout ce qui roule, à tout ce qui chante, à tout ce qui parle, demandez quelle heure il est. Et le vent, la vague, l'étoile, l'oiseau, l'horloge, vous répondront, il est l'heure de s'enivrer ; pour ne pas être les esclaves martyrisés du temps, enivrez-vous, enivrez-vous sans cesse de vin, de poésie, de vertu, à votre guise.


Baudelaire. Les petits poèmes en prose


PS: Punaise, j'avais pas fait gaffe au 1) et au 2) à côté des photos, pour les attribuer. C'est peut-être pas plus mal, tu me diras. Je crois que le premier qui demandait qui était qui, je le signalais en demandant son ban pour insulte ^^
Avatar du membre
par Mox Nox
#1150542
@IWS.

Pas plus que lily je ne pense voir le lien entre le meunier et Tonton Rimbe. Par contre, je ressemblais beaucoup au deuxième à une certaine époque. Je pense encore avoir une ou deux photos, si ça peut t'amuser. Content que t'aies lâché Esther Granek pour Sainte-Beuve, en passant. Tu gagnes au change.
par Elieza
#1150558
lilydr a écrit :
PS: Je vais poster sur un thème différent, parce qu'entre "Adieu" et "Séparation", on risque d'achever les dépressifs du forum ^^. D'ailleurs, ne vous tranchez pas les veines, buvez !
A la tienne.
J'ouvrirais bien un vin de Merde, tiens, histoire de philosopher un peu.
par lilydr
#1150559
Elieza78 a écrit :
lilydr a écrit :
PS: Je vais poster sur un thème différent, parce qu'entre "Adieu" et "Séparation", on risque d'achever les dépressifs du forum ^^. D'ailleurs, ne vous tranchez pas les veines, buvez !
A la tienne.
J'ouvrirais bien un vin de Merde, tiens, histoire de philosopher un peu.
Yup, avec les mouches ^^.
par Elieza
#1150561
Ou pas.

1
Me voici sur ce rocher scintillant.
La brise légère
Du jeune été s'élève de la terre
Comme la chaleur d’un souper charmant.
J’habitue mon cœur au silence, et vraiment,
Ce n’est pas très difficile...
Ce qui s’est évanoui se rassemble autour de moi,
Ma tête s’incline, et mes doigts
S’abandonnent, dociles.

Je contemple la crinière des monts.
Chaque fleur qui frissonne
Fait vibrer l’éclat de ton front.
Sur la route, personne, personne...
Je vois ta robe
Flotter au vent;
Sous les frêles branches,
Je vois ta chevelure qui se penche
Et de tes seins le doux tressaillement;
Puis, de la rivière Szinva, qui va courant,
Je vois de nouveau surgir
Sur les petits galets de tes dents
Un féerique sourire.

2
Oh combien je t’aime, toi
Qui as réussi à faire parler à la fois
La solitude intrigante, capable,
Aux tréfonds même du cœur, de fomenter des cabales,
Et l’univers tout entier!

Toi qui, telle une cascade fuyant son propre fracas,
Me quittes pour continuer ton cours sans hâter le pas,
Tandis que moi, demeuré sur les cimes de ma vie,
Face aux lointains, je crie
En continuant de me débattre:
“Je t’aime, ô ma douce marâtre!”

3
Je t’aime comme l’enfant aime sa mère,
Comme les cavernes aiment leurs profondeurs,
Je t’aime comme les salles aiment la lumière,
L’esprit la flamme, et le corps le repos réparateur.
Je t’aime, comme aiment vivre les mortels
Avant que le néant ne viennent les saisir.
Comme la terre accueille l’objet tombé sur elle.

J’accueille tes paroles, tes gestes, tes sourires.
Comme l’acide creuse le métal,
Mes instincts m’ont creusé pour que tu t’y installes.

Apparition belle et charmante,
Tu combles l’essentielle faim qui me tourmente.
Les instants passent dans une trépidation continuelle,
Mais toi, tu restes muette dans mes oreilles.
Les étoiles s’allument et tombent des cieux,
Mais toi tu brilles à demeure dans mes yeux.
Ta saveur comme le silence dans un gouffre,
Flotte toujours dans ma bouche.
Parfois ta main, tenant un verre d’eau,
M’apparaît avec son réseau de veines,
Comme surgie d’une brume incertaine.

4
En quoi suis-je donc construit,
Que ton regard me perce et me transforme ainsi?
Quelle âme est la mienne?
Quelle lumière, quel miraculeux phénomène
Me permettent de traverser le brouillard du néant
Pour explorer les pentes de ton corps fécond?

Comme le Verbe dans l’esprit qui s’ouvre, je descends
Dans les mystères de ton être charnel.
J’y vois, ainsi que des buissons, les méandres de ton sang
Trembler sans cesse,
Chargés d’un courant éternel
Qui fait éclore sur ton visage et qui műrit
Dans ta matrice un fruit béni.

De ton estomac, l’aire sensible
Est brodée de mille racines imperceptibles
Dont les fils légers se nouent et se dénouent
Pour que l’essaim de tes humeurs en toi se répande partout,
Et que le bel arbuste de tes poumons feuillus
Puisse chanter un hymne à sa propre gloire.

Heureuse, l’immortelle matière poursuit son chemin
Dans le tunnel de tes intestins.
Vivant et riche en est le sédiment
Dans les puits artésiens de tes freins jaillissants.

En toi s’élèvent d’ondulantes collines,
Tremblent des voies lactées;
En toi des lacs bouillonnent et tournent des usines,
En toi s’affairent, comme la cruauté et la bonté,
Des milliers d’animaux vivants,
Des insectes,
Des lianes.
En toi luit le soleil,
En toi une triste aurore boréale veille.
En toi la substance erre sans se lasser
Une inconsciente éternité.

5
Comme des caillots
De sang, ces mots
Tombent devant toi.
L’existence bégaie.
Seules parlent purement les lois...
Mes organes industrrieux qui m’enfantent de nouveau
Chaque jour, se préparent déjà, je le sais,
A se taire à jamais.
Mais ils clameront tous, jusqu’à l’heure de ma fin:
O toi qui fus choisie parmi la multitude
De deux milliards d’êtres humains,
O toi, l’unique! O toi, doux berceau!
Vivante couche! Puissant tombeau!
Accueille-moi dans ton sein!

(Ce plein-cintre du petit jour, comme il est haut!
Des armées brillent au cœur de ces métaux.
Mes yeux sont éblouis par la vive clarté;
Je suis perdu, je crois,
Et j’entends mon cœur battre de l’aile et claquer
Au-dessus de moi.)

6
(Chanson subsidiaire)

Le train m’entraîne. Je viens te rejoindre.
Dès aujourd’hui, qui sait, je peux t’atteindre...
Alors, le feu de mon front s’éteindra.
Mais, tout bas, peut-être, tu me diras:

Va donc prendre un bain; j’ai ouvert l’eau tiède,
Pour te sécher voilà une serviette.
Si tu as faim, la viande est à chauffer.
Ton lit est toujours où je suis couché.

Attila József – Ode
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par Mox Nox
#1150599
Je ne sais pas ce que tu appelles "une fausse photo" ... Mais beaucoup sur le forum m'ont vu en vrai (dont Kailash ce week-end), et j'aurais donc du mal à duper qui que ce soit, quand bien même ce serait mon intention. Par contre, quand je ressemblais à ce portrait de Rimbaud (de manière assez saisissante, sauf pour les sourcils), j'avais 15 ans. Et je dois donc la chercher un peu pour la poster : je suis assez désorganisé et pas très branché photos, comme tu t'en doutes probablement.

Edit : Par contre, si tu te fous de cette photo de Rimbaud et que tu veux juste savoir à quoi je ressemble, j'aime autant te skyper directement. Me coller une liquette sur le dos en 20 secondes me coûte moins cher que de fouiller une pile de disques durs pendant une plombe.
Modifié en dernier par Mox Nox le 15 mai 2016, 11:07, modifié 1 fois.
par kailash
#1150780
Mox Nox a écrit :Mais beaucoup sur le forum m'ont vu en vrai (dont Kailash ce week-end)
ouaip; et je m'en remets tout juste.
(du week end hein? pas de t'avoir vu en vrai ^^)
Avatar du membre
par Mox Nox
#1150785
.... Je te remercie de préciser. Déjà que ma cote est basse sur le forum, tu seras gentille de pas m'enfoncer.

PS : Ca y est, je te rattrape enfin, en messages.
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