- 06 mai 2014, 23:13
#885433
Gendronnière, si tu cherches un truc pour débuter. C'est du sôtô zen très carré, oldschool, martial, et ... "net". Pas de fioritures, pas de new age, pas de "devoir de compassion" et autres conneries, pas de branlette intellectuelle. C'est sobre, sain et efficace.
Après, si tu veux des trucs un peu plus funkys, genre Vipassana hardcore (hardcore pour un européen, hein), tu peux t'intéresser au centre Dhamma Mahi. C'est plus select, faut réserver plus longtemps à l'avance, et y'a quand même 2-3 délires de mauvais goût. Personnellement, je trouve ça un peu extravagant, dans un contexte de néophytes européens, cette volonté affichée de singer les règlements de traditions asiatiques ascétiques. Mais après tout ... je n'en dirai pas de mal non plus : c'est bien fait, le côté un peu barge du 24/7 peut avoir son charme pour quelqu'un qui a vraiment envie de "rompre", la bouffe y est à la fois frugale et délicieuse, et on n'y perd pas son temps.
Je pourrais continuer la liste, si tu me dis quel trip tu cherches exactement. Mais entendons-nous sur le fond d'abord : le meilleur et, à vrai dire, le seul endroit où faire une vraie retraite spirituelle, c'est dans ta tête. Le centre Vipassana ne t'apportera rien si tu n'es pas prêt à jouer le jeu. Et tu peux à l'inverse trouver envisager une retraite spirituelle très réussie sur Saint-Jacques, ou en simple rando, ou dans les catacombes, ou dans un quartier fantôme de la ville nouvelle de Montigny-le-Bretonneux, ou ... dans ta cave. Si t'es prêt à bouger dans ta tête, beaucoup de lieux conviennent, y compris des endroits proches, gratuits, sans encadrement ni réservation ni règlement d'aucune sorte. Les centres que je peux t'indiquer ne sont là que pour t'accompagner et t'encourager vers ton propre chemin d'éveil. Mais on peut très bien faire sans ...
Le Kadampa est intéressant aussi, mais comme toutes les formes de vajrayana, je le déconseillerais à un débutant. Parce que :
- ça mêle mysticisme et méditation, ce qui est un peu perturbant quand on ne connaît ni l'un ni l'autre. Je juge plus intéressant de découvrir les deux séparément.
- c'est quand même très marqué idéologiquement et axiologiquement : il y un jeu de valeurs "core" non négociables. Ce qui m'irrite toujours un peu, personnellement, et tend à me faire descendre du train. Par exemple le fait que l'homosexualité soit classée dans les "inconduites sexuelles", qu'on t'annonce directement qu'il existe différents aspects essentialisés, simultanés et contradictoires de l'enfer, genre "les bardos froids" et "les bardos chauds". Tout s'explique quand on manie un peu le symbole et l'Histoire, hein ? C'est pas dramatique ni dirimant non plus. Mais ça me gonfle un peu par moments.
- l'usage d'une rhétorique spécialisée et codifiée, avec son jargon, ses "parades toutes faites" un peu jésuitiques par moments, et sa tendance à vouloir tout expliquer/symboliser/représenter/justifier.
C'est donc un environnement très riche et fascinant, mais qui nécessite de savoir un peu dans quoi on met les pieds, ce qu'est le vajra dans le monde du bouddhisme, comment manier le symbole, ce qui est central et profond et ce qui est un "résidu" de l'Histoire, etc ...
Tu dois comprendre que le bouddhisme tibétain est historique et institutionnel, pour commencer. Ce n'est donc plus seulement "une école de vie" ou une manière de voir le monde ou une discipline ou une pratique. C'est aussi une Eglise, avec un clergé, avec une histoire, avec une politique officielle variable, avec des codes et une pyramide hiérarchique et un projet sociétal et une idéologie, etc. De même que si un alien voulait comprendre le fond du message du Christ, je lui conseillerais sans doute pas de commencer par l'étude de la casuistique jésuitique ou la lecture des bulles pontificales du temps des croisades ou les controverses démonologiques de la Renaissance allemande. Non pas que cela ne fasse pas partie du christianisme ou que cela ne présente aucun intérêt. Mais pour pouvoir resituer les trucs dans leur contexte, comprendre ce qui se joue réellement au-delà de la bonne parole, il faut déjà savoir distinguer le Dieu chrétien, la religion chrétienne, l'Histoire chrétienne, la politique chrétienne, la théologie chrétienne, les mystiques chrétiennes, et ainsi de suite. Et bien le vajra au Tibet est un peu comme le christianisme a pu l'être en Europe, il faut comprendre que c'est pas seulement une forme de méditation bouddhiste, mais aussi une religion, une institution, un pouvoir politique (le Tibet est une théocratie depuis plusieurs siècles, ce qui a son importance, par exemple), et c'est plus simple à piger sans se prendre les pieds dans le tapis quand on sait déjà méditer et qu'on se fait une bonne idée du bouddhisme en particulier, et de l'Asie plus largement.
Modifié en dernier par Perdu de Recherche le 06 mai 2014, 23:33, modifié 1 fois.